Concernant Al Jarreau, l’année 1984 fut l’occasion d’un virage musical quelque peu déroutant pour la plupart de ses fans! La compréhension de High Crime, impose de se remettre dans le contexte musical de cette période.
Dès la fin de l'année 1982, avec l’arrivée de la seconde “british invasion” et l'influence de plus en plus importante de MTV, les labels ont commencé à faire le grand ménage parmi leurs artistes sous contrats, tous ceux qu’ils ne jugeaient pas assez “bankable” furent remerciés. C’est ainsi que beaucoup d’artistes interprètes ou auteurs-compositeurs-interprètes, notamment, estampillés soft rock, prirent la direction de la sortie. Les autres durent s’adapter aux nouvelles technologies qui révolutionnaient le monde du "music business"! Autre donnée importante et non négligeable, il fallait posséder le "look" pour passer sur MTV, car s’il n’y avait pas de passages sur cette chaine, c’était l’échec commercial assuré! C’est là où l’on se remémore la chanson quelque peu visionnaire des Buggles, Video Killed The Radio Star !
Revenons à Al Jarreau, qui, grâce au grand succès de Breakin’ Away trois ans auparavant et à un degré moindre de l’album Jarreau, put rempiler chez Warner pour un nouveau disque, toujours sous la houlette de Jay Graydon ! Mais à une seule condition, utiliser les nouveaux instruments (synthétiseurs et autres programmations) à disposition, adapter les compositions, le son et la production!
High Crime remplit tous ces critères et le changement fut brutal et radical, mis à part sur la ballade After All, le seul titre de l’album qui fonctionnera à minima. High Crime atteindra la 50e place du Billboard 200, sans toutefois dégager un seul tube majeur et sera certifié disque d’or en 1986.
Me concernant, je n’avais pas fait l’effort d’investir sur ce LP lors de sa parution, j’étais tellement déçu d’entendre un des plus grands chanteurs de jazz contemporain interpréter ce type de matériel, je décidais alors d’ignorer cet opus. Les années aidants et après avoir acheté le CD, j’ai revu mon jugement et je lui ai finalement trouvé quelques qualités!
C’est la puissance qui caractérise Raging Waters (Al Jarreau / Jay Graydon / Robbie Buchanan) et cette chanson annonce la tonalité du disque, point d’inflection jazz ici, Raging Waters est largement influencé par la vague synthétique anglaise qui submergeait le continent nord américain. Le label décidait d’investir un gros budget pour le clip vidéo, digne d’un film hollywoodien (voir ci-dessous)! Las, sorti en second single, le titre ne parvint pas à se hisser à une place honorable dans le Billboard Hot 100 et il n’atteindra qu’une modeste 42e place dans le Billboard R&B. Imagination (Al Jarreau / Jay Graydon / Clif Magness / Glen Ballard) est moins déroutante car malgré le son synthétique, on retrouve des intonations et arrangements du Al Jarreau qui nous est familier. Avec l’introduction des cuivres de Jerry Hey, nous sommes en terrain connu, le reste est plutôt sympathique, mais il manque de la chaleur et de la convivialité dans Imagination, dommage, car il possédait un vrai potentiel ! Nous restons dans l’ambiance hi-tech synthétique avec Murphy’s Law (Steve Kipner / Paul Bliss), les couplets sont plutôt anodins, en revanche la mélodie et les arrangements commencent à devenir très intéressants à l’approche et pendant le refrain, l’apport du bugle de Jerry Hey n’est pas étranger à cela, le solo de synthétiseur possède également un je ne sais quoi de baroque rappelant Penny Lane des Beatles! Tell Me (Al Jarreau / Jay Graydon / Greg Phillinganes) est beaucoup plus anecdotique, et ne recèle pas d’intérêt particulier. Avec After All (Al Jarreau / Jay Graydon / David Foster) nous avons à faire au seul petit tube de High Crime, il s’agit d’une belle ballade romantique comme savait les pondre le duo Foster / Graydon, l’instrumentation est plus traditionnelle par rapport au reste, Jay Graydon y va même de sa guitare. After All se classera 62e au Billboard Hot 100, ce fut le premier single, illustré également par un clip vidéo aux grands moyens (voir ci-dessous). La seconde face du vinyle ouvrait sur High Crime (Al Jarreau / Jay Graydon / Bobby Lyle) c'est une chanson de son époque, programmations, synth bass, synthétiseurs en avant, les cuivres arrivent en cours de route, le groove est présent, mais il manque toutefois quelque chose pour ce se soit réellement convaincant, peut-être tout simplement une bonne mélodie? Sur Let’s Pretend (Jay Graydon / Richard Page / Steve George / John Lang) on retrouve le groupe Pages (devenu Mr. Mister) à la composition. On aurait pu s’attendre à un titre dans l’esprit de I Will Be Here For You ou encore My Old Friend, mais finalement, rien de tout ça, des couplets relativement décevants, le refrain et le bridge (très Pages) rehaussent le niveau et nous y remarquons la voix de Richard Page ! J’ai beaucoup de mal avec Sticky Wicket (Al Jarreau / Jay Graydon / Greg Phillinganes) et même avec le temps qui passe je n’ai pas changé d’avis concernant cette chanson. Love Speaks Louder Than Words (Bill Champlin / Richard Feldman / Glenn Friedman) est le morceau que je préfère sur High Crime, les couplets et le refrain sont accrocheurs avec l’apport de la voix de Bill Champlin, cette chanson aurait pu être un beau titre de Chicago également! Fallin’ (Al Jarreau / Jay Graydon / Nathan East / Marcel East) est la seconde et dernière ballade, plutôt réussie et agréable, tout en n’ayant pas le potentiel commercial d’After All.
Produit par : Jay Graydon
Enregistré par : Jay Graydon & Ian Eales
Mixé par: Michael Verdick, Ian Eales & Jay Graydon
Jay Graydon, Robbie Buchanan, Clif Magness, Glenn Ballard, David Foster, Jeremy Lubbock, Paul Bliss, Steve Kipner, Bobby Lyle, Richard Page, Steve George, Greg Phillingasnes, Bill Champlin, Richard Feldman, Nathan East, Marcel East : Arrangements
Al Jarreau: chant, choeurs, arrangements
Mike Baird: batterie, cymbales
Pat Mastelotto: batterie électronique
Nathan East: basse
Jay Graydon: guitare, synthétiseurs
David Foster: piano, synthétiseur
Paul Jackson, Jr.: guitare
Robbie Buchanan: piano, synthétiseur
Greg Phillinganes: synthétiseurs
Bobby Lyle: synthétiseur
Steve George: synthétiseur
Gary Chang: programmations Fairlight
Erich Bulling, Bo Tomlyn: programmations DX-1
Richard Page, Bill Champlin, Siedah Garrett, Carmen Twillie: choeurs
Jerry Hey, Gary Grant, Chuck Findley, Bill Reichenbach, Charlie Loper: cuivres
Jerry Hey: arrangements des cuivres
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Dernier commentaire :
Love Speaks Louder Than Words aurait pu figurer sur le Chicago 16 ou 17 😉
posté le : November 6, 2022 10:15
Oui !! Je l'ai zappé !! Avc Bill ... Superbe !!!
posté le : November 5, 2022 20:47
Je suis d'accord, mais Love Speaks Louder Than Words est formidable aussi ! 😉
posté le : November 5, 2022 20:43
Moi non plus " Sticky Wicket " je n'ai jamais pu ... Mes morceaux préférés sur cet album sont " Imagination " , " Murphy's Law " , " Let's pretend " et " After all " .
posté le : November 5, 2022 20:38
Même avis que toi mon cher Philippe, nous avions parlé de High Crime ensemble lors de notre rencontre à Pau, et nous étions d'accord par rapport à cet album. 😉
posté le : November 5, 2022 20:35
Ton commentaire est très intéressant, mais je n'ai jamais pu me faire à Sticky Wicket, alors que j'ai adopté Let's Pretend que je n'avais pas aimé à l'époque. 🙂
posté le : November 5, 2022 20:33
C'est vrai qu'avec cet album Al m'avait surpris ... Il faut dire qu'on sortait de " Breakin away " et " Jarreau " ... Je l'avais acheté dés sa sortie dans les bacs de " la disquerie " à Montlu ... Mais il me rappelle tellement de souvenirs de jeunesse que je ne lui ferais pas une mauvaise critique !!! Sauf pour " Sticky wicket " que je trouve également plus que moyen ... du remplissage ...
posté le : November 5, 2022 20:32
Même ressenti à sa sortie. On pensait que le son magique du couple Jay Graydon / Al Jarreau allait revenir tous les deux ans nous apporter sa joie, et ben non, c'est la vie. Il nous reste les trois, allez, quatre et demi (je compte les qqs titres de Graydon sur Heart's horizon et les deux qu'il a écrits sur L is for lover) albums qu'ils ont fait ensemble, avec ce son inimitable.
posté le : November 5, 2022 12:59
En lisant la chronique de Jean Philippe Réjou, je réalise pour la première fois que le son de l’album et l’utilisation des programmations, n’étaient pas une volonté de Graydon et Jarreau mais une « injonction » de Warner… ça donne une perspective différente. Ceci étant, même si je me souviens avoir détesté « High Crime » à sa sortie pour les mêmes raisons que vous (j’étais en plus devenu un amoureux du jazz grâce aux précédents albums de Al qui m’avaient donné envie de découvrir Miles ou Corea par exemple, et j’avais l’impression ici de « perdre » sa voix, et la richesse mélodique des précédents opus…), j’ai révisé mon jugement depuis. Il me semble que Graydon s’est amusé avec les machines, et a souvent réussi à contourner cette contrainte. Par exemple, je suis aujourd’hui un inconditionnel de Sticky Wicket, je trouve la combinaison cuivres-machines-synthétiseurs assez exceptionnelle dans ce titre, avec une envolée fantastique au moment du solo de Phillinganes, les arrangements sont quand même assez époustouflants…
posté le : November 5, 2022 12:29
posté le : November 4, 2022 21:45
posté le : November 4, 2022 21:44